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La place d'armes et le réduit fortifié

La place d'armes, son puits et ses arcades

Partez à la découverte de ces lieux de vie et de défense : la place d'armes et le réduit fortifié !

La place d'armes

La place d’armes présente l’aspect d’une vaste cour de plan quadrangulaire bordée sur les côtés Nord, Sud et Est par un corps de bâtiments d’habitation ou de service construits au revers des murailles, et étagés sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée, un portique à arcades ceinture trois côtés de la place. Au centre de celle-ci s’élève une citerne dotée d’une guérite  de puisage, dont l’eau servait à alimenter la garnison et à abreuver le bétail. 

Les corps de logis ou casernements

Une partie du corps de place était occupé par les casernements ou corps de logis des soldats. À Salses, les effectifs de la garnison fluctuaient en fonction du contexte politique : ils étaient par exemple réduits en temps de paix à 40 hommes en 1534. De 1594 en 1569, ils étaient portés à plus de deux mille soldats lors de la recrudescence de tensions entre l’Espagne et la France. Les conditions de vie de ces soldats semblaient assez rudes, notamment en raison du froid et de l’humidité ambiante des pièces, mais aussi de la médiocrité des soldes qui leur étaient allouées. Certains soldats pouvaient d’ailleurs posséder quelques pièces de terre dans les terroirs alentours ou se livrer à des échanges commerciaux avec les habitants des villages voisins. S'ils étaient mariés, leurs épouses et leurs enfants résidaient peut-être à Salses, voire dans la forteresse même, où la présence de veuves est d’ailleurs attestée.

Les logis des soldats et des sous-officiers occupent les deux premiers niveaux. Le troisième niveau était, quant à lui, destiné à stocker les réserves de nourriture. Sur les côtés Nord, Sud et Ouest, ils étaient surmontés d’une plate-forme d’artillerie.

À l’angle Nord-Ouest de la place, une horloge datant du XVIIe siècle avait été installée dans une niche ouvragée construite dans la partie haute de la muraille.

La place d'armes et le puits
La place d'armes et le puits

© Asphérie CMN FDS

Les écuries

Au Sud, à l’Est et au Nord, se trouvent trois écuries en sous-sol auxquelles les chevaux accédaient par un plan incliné. De forme rectangulaire, dotées de voûtes en brique, ces salles pouvaient accueillir jusqu’à 300 chevaux, en majorité des genêts d’Espagne, qui par leur petite taille, pouvaient franchir les passages voûtés de l’entrée. Le fourrage destiné aux animaux était disposé dans des mangeoires installées dans le mur. En 1637, on comptait 400 chevaux dans les écuries et sous les portiques. 

Sur le sol de l’écurie sud est exposée une œuvre de Toni Grand (1935-2005), artiste français, originaire de Provence. Installée dans la forteresse en 1986, cette sculpture se singularise par sa plasticité. L’œuvre peut ainsi faire penser à une racine ou à un cep de vigne, ou bien encore à une masse représentant les milliers de soldats qui ont vécu et souffert dans la forteresse.

La chapelle de la garnison

À l’angle Nord-Est se trouve la chapelle de la garnison. Desservie par un prêtre assisté de chapelains, la chapelle contient un autel dédié à Saint Sébastien et un second consacré à la Vierge Marie. Les soldats et les sous-officiers assistaient aux offices dans la salle du rez-de-chaussée tandis que le gouverneur et sa suite occupaient la tribune.

Un retable composé de deux pilastres  ceinturant un cadre mouluré est surmonté d’un fronton orné d’un soleil royal, symbole de Louis XIV, le roi soleil.

Depuis la chapelle, on aboutit à la tour d’artillerie Nord-Est, dont l’accès s’effectue par un couloir à droite de l’autel. Comme les trois autres tours d’angle, elle abritait des canons disposés à sa base et à son sommet. Son puits central servait de monte-charge, de porte-voix et d’évent pour dissiper la fumée des canons. En juillet 1639, l’armée française, composée d’environ 20 000 hommes, attaqua la forteresse de Salses dont la garnison comptait alors environ 500 hommes. Les Français réussirent à pénétrer dans la forteresse en ouvrant une brèche dans la tour d’artillerie Nord-Est.

Les écuries
Les écuries

© CMN FDS

Le réduit fortifié

La terrasse offre un panorama sur la place d’armes et sur le réduit fortifié. La façade est de la terrasse présente quelques-uns des traits caractéristiques de l’architecture de Salses : la symétrie des volumes et des aménagements défensifs ou encore le soin apporté à l’écoulement des eaux comme le montrent les gouttières posées en façade.

Construit dans le prolongement de la place d’armes, le réduit fortifié se présente comme une véritable forteresse intérieure et concentre les lieux stratégiques essentiels lors de la tenue d’un siège.

Le réduit est séparé de la place d’armes par un fossé et par une double courtine  pourvue d’un éperon saillant et percée de canonnières et de fenêtres de tir. Côté place d’armes, une pièce voûtée dotée de canonnières protège l’accès à la cour intérieure du réduit. La défense de ce dernier est organisée à partir d’une succession de courettes et de plates-formes de tir.

Une série de salles abritant des activités vitales pour la garnison, notamment en cas de siège, se distribuent autour de la cour centrale du réduit.

Le front Est abrite plusieurs espaces comme une laiterie, une cuisine, une écurie ou une étable. L’angle Nord-Est accueille la boulangerie, la pièce dite « la chambre des vannes » ainsi que l’infirmerie.

Mentionnés dans les sources écrites des XVIe-XVIIe siècles, d’autres équipements n’ont pour l’heure pu être localisés à l’intérieur de la forteresse. Il s’agit d’une forge attestée entre 1497 et 1503 ; d’une fonderie destinée à la fabrication de pièces d’artillerie ; d’un moulin à poudre qu’un inventaire daté de 1526 situe dans le fossé du réduit, et, enfin, d’un magasin à clous qui se trouvait à proximité du moulin à poudre.

le réduit fortifié
Le réduit fortifié

© CMN FDS

L'étable et la laiterie

Sur le front barrant la place d’armes, se trouvent une étable et une laiterie. La laiterie pouvait abriter une trentaine de vaches qui fournissaient environ 600 litres de lait par jour. La pièce conserve quelques vestiges d’aménagements. Le purin était évacué par un caniveau central avec traitement dans des bacs de décantation. Des anneaux fixés au sol permettaient d’attacher le bétail, peut-être les veaux. Située à côté de l’étable, la laiterie abrite trois bassins servant à fabriquer les fromages, ainsi qu’une pièce plus fraîche destinée à l’affinage et à la conservation du produit fini. Les murs de ces salles donnant sur la place d’armes sont dotés de fenêtres de tir. Équipées pour des mousquets ou des couleuvrines , celles-ci défendent le fossé intérieur par des tirs rasants.

La boulangerie 

Sur le front Ouest du réduit, une vaste pièce voûtée abrite la boulangerie. À droite de l’entrée sont installés deux fours. Le premier avec une sole en brique était destiné à la cuisson du pain. Le second, pourvu d’une sole en pierre volcanique, était utilisé pour la cuisson à la vapeur des biscuits et des gâteaux. La chaleur d’un des deux fours était en partie dirigée vers la pièce voisine, dite la « chambre des vannes », où elle chauffait un des bassins.

La « chambre des vannes »

Mitoyenne à la boulangerie, la pièce appelée « chambre des vannes » est située au-dessus d’une source, dont l’eau alimente une partie de la forteresse. À Salses, la maîtrise de l’eau est primordiale, tout d'abord en raison du climat méditerranéen, mais aussi de la localisation de la forteresse à proximité des sagnes  bordant l’étang. Au demeurant, le toponyme Salses provient sans doute de l’expression Fons Salsulae, utilisée par les auteurs de l’Antiquité pour désigner des résurgences situées en bordure d’étang. 

Dès lors, l’alimentation de la forteresse en eau ne pouvait dépendre de la seule citerne située au centre de la place d’armes. S’appuyant sans doute sur les connaissances des Musulmans en terme d’adduction d’eau, techniques qu’il avait pu les observer lors de son séjour à l’Alhambra de Grenade, le maître d’œuvre de la forteresse Ramiro López et ses assistants conçurent un ingénieux et efficace système de captage de l’eau s’écoulant des résurgences karstiques des Corbières. Lieu stratégique, cette « chambre des vannes » renferme plusieurs bassins de captage et de distribution des eaux d’une de ces sources. À partir de cette pièce, trois canalisations desservent la cuisine et l’étable, les citernes situées sous le donjon, et la rigole de la galerie d’escarpe. Des petits bassins de filtrage et de décantation sont encore visibles dans le fossé intérieur du réduit.

L'infirmerie

Située à droite de la porte d’entrée, l’infirmerie présente l’aspect d’une longue salle voûtée aux murs en briques. La pièce, où étaient rassemblés les lits des malades et des blessés, était chauffée par une grande cheminée dans laquelle se trouvait un four où étaient stérilisés les instruments chirurgicaux. En 1511, un médecin, un chirurgien et un apothicaire résidaient dans la forteresse.

L'étable
L'étable

© Asphéries CMN FDS

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